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EMMANUEL DES ESSARTS.


LA POURPRE



Quand le poète passe au travers de la vie
En jetant à la foule, irritée ou ravie,
Aux faibles comme aux forts, aux bons comme aux méchants,
La bénédiction sublime de ses chants,
D’où vient qu’à nos regards tout son être étincelle ?
Un flot tourbillonnant de lumière ruisselle
Sur son corps, et l’on voit resplendir ses haillons
Plus que le fauve acier des hardis bataillons.
C’est qu’à son flanc blessé qui palpite et qui saigne,
Il porte, roi proscrit, la pourpre de son règne :
Qu’il soit Gœthe ou Byron, triomphant ou martyr,
Jamais on n’éteindra cette flamme de Tyr,
Flamme à l’éclat fidèle, et qui toujours désigne
Ce compagnon de l’aigle et ce frère du cygne.
O nuit de la misère, ombre des froids tourments,
Vous n’obscurcirez point ces fiers rayonnements
Dont l’envieux s’indigne, et dont rêve la femme…
Car cette pourpre est teinte avec le sang de l’âme !

(Les Élévations)