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CHARLES REYNAUD.


Ce n’est pas pour toi qu’est la gloire
       D’embaumer les cheveux
Et de parer le sein d’ivoire
       Des belles aux doux yeux.

Tu n’iras pas, fleur bien aimée,
       Paysanne sans art,
Dans une chambre parfumée
       Mendier un regard ;

Les coupes de marbre et d’agate
       Sont pour les bluets bleus,
Et pour le pavot écarlate,
       Tes voisins paresseux.

Moins orgueilleuse que la rose,
        Au pauvre tu souris,
Car de sa sueur il arrose
        Le sol où tu fleuris.

C’est lui qui te tresse en guirlande
        Avec sa rude main,
Et va te porter en offrande
       À la croix du chemin.

Si tu n’es ni rose ni belle,
         Tu croîs en liberté,
Et c’est de ta manne éternelle
        Que vit l’humanité.

Tu fleuris dans la plaine blonde
        Lorsque Juin est en feu,
Achevant ton œuvre féconde
        Sous le regard de Dieu.