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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


LES APOTHÈTES


Voici, mâchelauriers, mes frères,
Un rêve qui fait bien souvent
Sous mon front tinter les artères
Comme des cloches de couvent.

C’est surtout quand, non économe
De mes vingt ans, j’use mes jours
À limer ces choses qu’on nomme
Des vers ? parfois ; des mots ? toujours ;

Surtout dans ces heures d’automne
Sans chaud soleil ni vent glacé
Où le soir, long et monotone,
Par la nuit terne est remplacé ;

Heures d’agonie, où mes tempes
Se ratatinant sous l’ennui,
Pareil au sorcier des estampes
Qui se démène dans la nuit,

J’étreins quelque idée en sa bourbe
Noyée, ainsi qu’un chien crevé,
Et l’amène à l’air, et la courbe
Sous le joug du rythme rêvé;

C’est surtout alors, ô vous, graine
D’Homère, ô mes frères poussifs,
Que ce rêve, fleur de migraine,
M’agite en frissons convulsifs.