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MADAME ALPHONSE DAUDET.


Aussi, comme ces fleurs errantes dans la rue
Tiennent par leur racine à quelque sol lointain,
La pensée, au hasard des foules apparue,
Garde d’un souvenir le contour incertain.

L’air subtil, où tout brille en un jour et s’efface,
D’un singulier éclat la colore en passant,
Mais c’est au fond des bois qu’il faut chercher la place
Où l’esprit la reçut du silence puissant.


Je voudrais revivre ma vie,
Jour par jour, avec la raison
D’une intelligence asservie,
Que ne tente plus l’horizon ;

Relire tout entier mon livre,
Sans me hâter et sans frémir,
De la page où l’on se sent vivre
À celle où l’on se voit mourir.

Plus d’attente ni de surprises,
Et les bonheurs sans lendemain,
Feuilles roses au revers grises,
Ne feraient pas trembler ma main.