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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Un souffle humide et frais glisse sur les clairières,
Et, dans l’air plein d’amour, les feuillages mouvants
Sentent flotter et fuir des haleines légères,
Baisers muets des fleurs, qui volent sur les vents.

Le ciel pâlit encore, et tout contour s’efface ;
Au pied des bois s’endort l’étang silencieux ;
Un invisible essaim d’ailes frémit et passe,
L’essaim des songes d’or qui descendent des cieux.

Quel pas sort du taillis et frôle l’herbe sombre ?...
Vesper ouvre au ciel pur son œil tremblant et doux ;
Une vague blancheur luit à demi dans l’ombre,
Et la nymphe des bois, la nymphe aux cheveux roux,

Dans la molle senteur des iris et des menthes,
Immobile et pensive au bord de l’étang noir,
Écoute murmurer l’âme des eaux dormantes
Sous l’assombrissement mystérieux du soir.





LA CACHE




C’était un trou creusé derrière une fontaine,
Profond, et qu’une dalle en ardoise fermait.
À côté, l’eau faisait déborder l’auge pleine ;
Tout autour, le foin sec, au soleil, embaumait.

Quand le pâtre leva la pierre, une bouffée
De fraîcheur, dans l’air chaud, vint me frapper au front,
Et du creux noir monta, comme un rire de fée,
La chanson d’un ruisseau qui bruissait au fond.