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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.

Il me semble entendre en cor
Résonner la chansonnette :
« Grillon de mai, grillon d’or,
          Grillon dans l’herbette ! »

Mais on m’ôte de ces bras
Encore en ma tendre enfance,
Et je ne reviens, hélas !
Qu’à l’âge triste où l’on pense.
Oui, vingt ans, vingt ans ont fui...
Que de désirs, d’espérances !
Que d’épreuves, de souffrances !
Que de regrets aujourd’hui !
Ô nourrice ! nourricette !
Le temps s’envole, il a tort :
« Grillon de mai, grillon d’or,
          Grillon dans l’herbette. »

Gais compagnons d’autrefois,
Qui restâtes au village,
Étonnés à mon visage,
Reconnaîtrez-vous ma voix ?
Rien ne dure. Autres nous sommes..
Mon esprit, comme un oiseau,
Sautant de branche en rameau,
Se souvient des lieux, des hommes,
De tout un passé qui dort
Au fond d’une ombre discrète :
« Grillon de mai, grillon d’or,
          Grillon dans l’herbette. »

Je me vois enfantelet,
Bondissant à droite, à gauche.