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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.

Aux bras de la Mort alléchante
J’endors enfin mon long souci :
Entends-tu le hibou qui chante ?


(Les Farouches)





LA BALLADE DES ARAIGNÉES




Au-dessus de l’armoire, à l’angle du plafond,
Elles vivent en paix, les bonnes araignées…
Le mur, humide et mou, se lézarde et se fond
En sueurs dont se sont à la longue imprégnées
Les poutres de sapin que le ver a saignées…
Comme elles sont bien, là, dans la sécurité
De ce coin que le jour n’a jamais fréquenté !
Aussi, matin et soir, leur grise multitude
Pullule tout à l’aise et grouille en liberté,
Tourbillonnant dans l’ombre et dans la solitude.

Tissandières en train, elles viennent et vont,
Ourdissant fil à fil leurs trames bien soignées,
Ouatant de voiles fins leurs retraites sans fond.
Le long des ais pourris et des planches rognées,
On dirait des cheveux de vierges dépeignées…
— Mais soudain, sous mes doigts l’épinette a chanté.
Et toutes, m’écoutant avec avidité,
D’une danse bizarre entreprennent l’étude,
Oubliant toile à l’œuvre et gibier convoité,
Tourbillonnant dans l’ombre et dans la solitude.