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à la beauté des fruits mûrissants et signalent l’août déclinant.

Chaque jour ainsi amenait un prodige et la naissance d’une couleur ou d’un parfum dans le vaste univers, n’est pas moins admirable que le cours d’un météore et l’exode d’un peuple. Près du ruisseau, le sureau et le chèvrefeuille se grappèrent de baies noires. Des coraux rougirent les pointes de la grêle aubépine. Le fruit orangé de l’églantier s’acidula d’un goût de petite pomme sure. Et avec ses pendeloques amaranthe, l’amer sorbier ressembla à un arbre de Noël. Maintenant aussi la nèfle et le coing prenaient une chair parfumée ; et avec les arômes et les fleurs et les fruits, il était venu d’autres oiseaux, le roitelet, l’aigre sittelle et la flûte monotone de l’étourneau dans la plaine.

Ni toi, Ève, ni moi n’avions encore entendu de si douces musiques. Elles nous rendirent tristes délicieusement comme le sentiment de l’essence fragile en nous. Elles avaient déjà l’aigre sifflement de la bise d’hiver ; et cette nuance était à notre amour comme le