Page:Lemonnier - Adam et Ève, 1899.pdf/145

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que l’ais tarde à planir. Elle gémit et voudrait que le marteau frappât deux coups à la fois là où pourtant il n’y a qu’un clou. Elle me prend l’outil des mains, elle y blesse ses ongles, et puis elle demeure un peu de temps dépitée, et enfin elle me baise dans ma barbe en riant : « Il n’eût tenu qu’à moi si j’avais eu ta force. » Non, pas tant la force, amie, mais une âme qui s’égale à elle-même avec constance. Mon Ève est la petite enfant malade qui pleure et qui chante. Un pauvre homme solitaire dans son bois accepte avec humilité la loi égale où le sens de la vie s’accorde. Il regarde venir l’averse et s’abrite en attendant que luise le soleil. Va donc, aimable épouse, avec ta douce blessure et ton petit cœur personnel qui écouta la nature. Déjà là-bas derrière les chênes s’écorne le décours de la lune morose.

La varlope mord et grince, la doloire planit, le marteau fait le bruit de la vie qui veut entrer. C’est la Sainte famille des outils que connut l’ancêtre. Chacun implique une série de formes et signifie un stade dans l’œuvre,