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Voici que je l’ai senti tressaillir. » Une petite éternité s’écoula ainsi ; nos mains s’étaient jointes et nous étions très purs et divins dans l’heure gracieuse, comme si l’ange de l’annonciation avait apparu. Autour de nous le taillis où pour la première fois sous la lune elle et moi avions connu le grand frisson, s’argentait d’un givre brillant et léger, lui-même pareil à une clarté de lune cristallisée. Ainsi rien ne parut changé et seulement le doux enfant avait germé, une semence à travers le temps faisait lever le blé des races. N’était-ce pas là un prodige ? Cependant il n’était pas plus merveilleux que la venue l’un vers l’autre de deux êtres inconnus. Ils se prennent la main et il leur semble qu’ils se sont connus toujours. Les os des ancêtres tressaillent dans le baiser qu’ils échangent et un jour la femme dit à l’homme : « Mes mamelles tendrement me font mal. » La vie alors prend un sens divin. Petite Ève, incline ta tête vers mon épaule. Je te porterai comme un vase fragile dans mes bras jusqu’à la mai-