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tressaillir et se gonfler d’obscures vies déli cieuses.

Nous allions ensemble sous la jeune ombre des feuilles. Elle aima se reposer longuement dans le taillis où elle me dédia son amour. Le soleil filait des soies légères, un nuage blond s’épandait des branches. Et quelquefois elle portait la main à son flanc et me souriait : je ne connaissais pas encore la beauté du sourire. Toute chose ainsi nous apparut nouvelle. Nous ignorions la grâce du bouleau, la majesté paternelle du chêne, le charme des ciels mouillés de clarté et ils nous furent révélés. Les arbres eurent des noms amis : elle appela Adam un hêtre magnifique dont les branches s’étendaient jusqu’à terre ; elles auraient recouvert une tribu. Et moi, par analogie avec le jet léger de sa vie, j’appelai Ève un svelte bouleau frémissant. Puis ensemble nous cherchâmes un nom pour l’enfant ; et un jeune chêne sain et droit fut baptisé Héli en action de grâces au soleil, père vénérable de notre amour. Un esprit sembla animer l’arbre gracieux. La bouche fraîche du vent,