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faim, heurte au seuil des maisons et il y a partout des fontaines. D’un pas sans trêve et sans hâte je vais vers demain. » Ses paroles, comme dans les paraboles, étaient à la fois lucides et voilées ; leur évidence se doublait d’un sens ingénieux et surnaturel.

Cependant la résine achevait de se consumer ; toute la claire nuit entra dans la chambre. Comme une figure vêtue de tuniques bleues, elle tournait autour de l’enfant et du berceau, d’un pied léger. Et Ève me dit : « Vois, notre hôte est las ; il était levé avant le jour et il a besoin de repos. Prépare-lui un lit de fougères. » Je menai donc le vieillard vers la chambre où moi-même longtemps j’avais dormi mes sommeils d’homme solitaire. J’étendis les fougères, elles avaient été cueillies la veille et répandaient un arôme engourdissant et âcre comme les pavots dans un jardin. La nuit était venue avec nous de marche en marche par l’escalier et à présent elle étendait ses draps clairs sur le lit. Et à peine le vieillard se fut couché, il s’endormit avec l’haleine molle d’un enfant.