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ville. » Elle me regarda à travers ses cheveux, humble et soumise, disant : « Je suis votre servante. » Oh ! j’aurais dû prendre humblement dans mes mains ses petits pieds qui avaient eu confiance, ses petits pieds lavés de rosée et qui, à l’aube, s’étaient mis en marche vers un destin obscur ! Je sortis de la maison, j’appuvai mon front à un arbre. Nature ! ondoie du lait de tes sèves ce vieil orgueil ! Baigne-le de fraîcheur et de simplicité ! Quand je revins, sa chanson joyeusement montait près des landiers où rôtissaient les ramiers. Je lui dis doucement : « Il n’y a ici ni maître ni servante. Toi et moi, Janille, sommes deux âmes égales devant la vie. Voilà ce que j’aurais dû te répondre tout à l’heure. »

Un or rosé s’étendit par dessus la forêt. Des soies lilas enveloppèrent les arbres. Et j’avais avancé la table devant la porte ; nous mangeâmes l’un devant l’autre dans l’odeur de résine et de safran qui s’évaporait du soir. Comme je n’avais que mon couteau, c’est moi qui découpais les morceaux. « Voilà, lui dis-je, nous sommes à présent pareils à un