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Page:Lemonnier - Adam et Ève, 1899.pdf/301

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ADAM ET ÉVE

glantes. Sur le duvet violet des fonds, le treillis des petites ramures se nerva, élégant et frêle. Le prodige des lumières inexprimablement nous fut un délice ; elles palpitaient, elles tres­ saillaient, elles mouraient dans des spasmes. Elles étaient comme la vie de la chair dans la splendeur de la minute qui va être mor­ . telle. Des moires lentes comme des huiles cou­ laient le long des troncs ; leurs mousses saignaient une phosphorescence verte de pourriture. Des paons d’or et de saphir chimériquement rouaient aux taillis. Eve, dans l’heure émouvante, s’affina d’une vie légère, frémissante. Elle eut l’émoi mobile des frênes, le mystère des clartés dormant sous bois, la grâce ardente et inquiète de la biche. Et moi, devant ses sensibles yeux magnétiques qui s’évanouissaient et se ravivaient, je ne reconnaissais plus l’Eve cruelle de l’autre automne. De joyeuses colères alors nous avaient rués aux carnages. Comme de forcenés vendangeurs, nous avions foulé les grappes san­ glantes. Êve ! voilà ! voilà ! Nous étions pleins


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