Page:Lemonnier - Adam et Ève, 1899.pdf/316

La bibliothèque libre.
Cette page n’est pas destinée à être corrigée.

252

ADAM ET ÈVE

que l’associe aux saisons, aux mois de la lune, aux métempsycoses. Des tuniques de lu­ mière et d’ondes fluides ruissellent de ses rythmes et de ses chairs d’or. Comment ne serait-elle pas l’élue de la terre, elle qui s’é­ gale à ses sources, à ses aurores et à ses ger­ minations intarissables ? . Ève ne pensait ni ne parlait comme moi. Sa vie à côté de la mienne émanait person­ nelle et intérieure. Avec le poids lourd de sa gorge, avec ses flancs graves de brebis féconde, elle avait les gestes et l’esprit lents. C’était pour elle la même peine à dénouer ses idées qu’à démêler les touffes amples de ses che­ veux. Mais l’abondance de son instinct jail­ lissait avec des spontanéités admirables. L’eau suit sa pente ; le saule ne redresse pas ses rameaux ; et elle écoutait en elle la na­ ture.-Elle voyait sa vie comme dans une fon­ taine. Son cœur battait à ses lèvres. Ainsi, dans l’élan de la grâce et du sentiment, elle était bien elle-même la femme de la nature, mobile et prompte. Et le jour a douze heures ; elles tournent et il demeure le jour. Elle igno­ rait les délais et se réalisait à mesure.