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ADAM ET ÈVE

et de chaux. Oui, cela, je l’éprouvais avec un grand tressaillement de toute la vie en moi. Quand je baisais Ève sur les yeux, je baisais la beauté du jour, les ondes vermeilles du vent, le frisson vert des feuilles qui s’y miraient. Son souffle était l’air des bois, l’arome des fleurs et des fruits mêlés à la chaleur de son corps. Cependant je n’aurais pu dire pourquoi sa substance à elle et à moi m’apparaissait la même que celle de la terre et des végétaux. Etant nus dans la nature, nous étions près d’elle au point qu’elle et nous formions une même chose de vie. Nous ne savions que cela. Ève me suivait sous les ramures. Celui qui aime dans l’ombre morte de l’alcôve a l’air honteux de lui-même comme s’il violait les divins abandons de l’amour. Mais nous qui aimions parmi les oiseaux, dans les murmures de la forêt, nous étions là sous le regard de Dieu, comme les êtres originels, très purs. Mon cœur prolongeait le battement du cœur de la terre. Il pleuvait sur nos fronts d’odorantesneiges de fleurs. La lumière était comme notre âme et notre vie irradiées et flottantes


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