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raissait pas craindre ma colère, elle avait plutôt confiance dans mon amour. « Toute femme, lui dis-je, eût été frappée de la beauté de cet homme. Il a la force et la tranquille assurance d’un homme selon la nature. » Elle ferma les yeux ; sa pensée au loin s’en alla par les herbes foulées, sur les pas de ce jeune héros. « Il m’eût prise comme toi ! Oh ! j’aurais connu le goût de sa bouche ! » soupira-t-elle. Et je vis qu’elle le regrettait. L’heure nocturne endormit son courage. Elle ploya lasse et sanglotante entre mes bras. Moi alors je lui donnai secrètement raison de m’avoir parlé avec sincérité. Elle avait désiré l’amour de l’étranger avec l’ardeur jeune de son flanc ; et ce mouvement était sacré comme tous les mouvements de la nature. Il était né dans l’innocence de sa chair. Celle-ci a sa vie comme l’âme a la sienne. « Voici ma bouche, lui dis-je en lui prenant les lèvres entre les miennes. Vois à présent laquelle des deux tu préfères, de celle qui t’est connue ou de l’autre vers qui se soulève ton désir. » Je l’aimais très miséricordieusement, sans nulle ran-