Page:Lemonnier - Adam et Ève, 1899.pdf/382

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faut être humble devant les prodiges et il n’y a ni premiers ni derniers dans l’ordre du monde.

Oh ! Beauté ! avec quelle joie attendrie tu te tenais à présent courbée sur les gazons, t’émerveillant du scarabée qui rame à travers la jungle effrayante des brins d’herbe, toi qui autrefois, en le tourmentant d’un fétu, espérais le détourner de ses voies ! La bête allait à sa destinée aussi sûrement que la comète tourbillonnant parmi l’espace. De minces et ardentes fourmis aussi gravissaient des mottes hautes comme les monts et celles-là non plus, tu ne les poussais plus à droite quand elles s’orientaient à gauche. Le scarabée et la fourmi faisaient là une chose utile et profonde qui s’égalait à la marche rugissante du lion dans le désert, à la manœuvre véhémente d’un homme dans les tumultes d’un port, à la témérité du navigateur appareillant pour les îles inconnues. Tes clairs yeux s’étaient ouverts, tu n’ignorais plus que tout a pour but et pour nécessité la vie et la vie se prescrit, à soi-même la loi. L’amour n’est