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Sa vie ! le mystère divin du jardin clos de sa vie ! Je demeurai là un long temps, faible comme un enfant, penché sur la nuit ingénue de son être, écoutant vivre la splendeur invisible de sa chair. Et puis je descendis, mon pas mou erra dans les chambres humides. Vois-tu, Janille, si seulement une seconde je pouvais cesser d’entendre ce petit souffle léger et confiant, peut-être je redeviendrais l’homme qui entrait dans les lits, brandi comme l’étalon. Je remontai, j’appelai avec le tremblement de mes lèvres : Janille ! Et elle ne s’éveilla pas. Son sommeil bruissait comme un vol d’abeilles, comme le silence d’une chambre autour d’un berceau. Il n’était que la petite onde qui se lève et s’abaisse et il retentissait jusqu’aux limites de la forêt comme un torrent. Et moi maintenant, je l’écoutais dans la profondeur de ma vie presque avec effroi, je n’avais jamais entendu un si doux sommeil. Je suis le bûcheron qui à l’aube s’en va avec sa cognée : je lève la cognée et le sang bout à mes tempes. Au cœur, chêne, au cœur ! Mais du chêne une voix s’élève : « Prends