Page:Lemonnier - Adam et Ève, 1899.pdf/56

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très oiseaux approchèrent aussi et tous étaient là par dessus le chemin, regardant avec confiance cet homme nu comme au temps d’Éden. Et puis j’entrai dans le ruisseau ; il s’égoutta mélodieusement de mes épaules et de mes reins : il palpita à ma chair comme une vie molle et féminine. Cette eau antique parut reconnaître celui qui s’en venait par les coteaux, aux âges ingénus. Et elle était éternelle comme moi, elle avait reflété l’éternité du ciel et de la substance. Voilà, pensai-je, la chair et l’eau et la lumière et le vent sont un même mystère. Ma vie, en se mêlant au ruisseau et aux arbres, se conforme à l’unité divine. Et alors mes yeux distillèrent une extase humide ; la source intérieure aussi coula comme pour un prodige, pour l’annonciation d’une vérité sublime. J’éprouvai le besoin de serrer contre ma vie une chose de la création, une autre vie jaillissante et frémissante. Je pris donc entre mes bras le tronc rugueux d’un chêne. Mes bras n’en pouvaient faire le tour et il dominait le taillis comme un siècle d’ombre et de feuillages. Une forêt était sortie