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me glissait des mains : « Un oiseau là-bas a chanté dans les arbres ! » Je la voyais fuir avec les bonds rapides de la chèvre, et enfin je la découvrais cachée dans un taillis. Et je savais à présent de quel oiseau elle avait parlé. Celui-là chantait en nous comme l’alouette et il avait la clameur de l’aigle.

Mais un jour elle me demanda de lui apporter une fleur qui était au fond du ravin plein d’épines. Je descendis au ravin ; mes mains et mes jambes s’y meurtrirent ; et il n’y avait là que des ronces sauvages. Étant revenu vers elle, je lui dis : « Il n’y avait pas de fleurs dans le ravin. » Du sang gouttait de mes doigts. Elle le lava du bout de ses lèvres et puis elle me dit avec son rire farouche et tendre : « Une plus belle a fleuri de ton amour. » C’étaient là d’aimables allégories : je compris qu’elle voulait m’éprouver ; sa tyrannie futile s’amusait de me guirlander de chaînes légères. Moi, j’étais entré au cœur du buisson et elle était l’églantier qui échange sa rose contre une goutte du sang du ravisseur. Deux cœurs dans l’amour s’essaient comme des chevreaux dans une prairie.