Page:Lemonnier - Ceux de la glèbe, 1889.djvu/24

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Ni l’un ni l’autre, d’ailleurs, ne se lamentaient sur cette faveur du ciel qui, d’année en année, faisait germer leur lit. L’homme, comme par le passé, partait pour la ville le matin du lundi ; et d’abord il étendait sur la table la nappe de serge et il y serrait les pains qui devaient servir à la subsistance d’une semaine ; mais il n’y serrait plus que trois pains, au lieu de quatre. Et Ka, pendant son absence, pétrissait la pâte pour la cuisson prochaine, enfournait les grands pains de deux livres, pareils à des meules à broyer, allant de la chaude cendre du four à ses trois berceaux et quelquefois, comme un arbre chargé de ses fruits, aperçue dans le champ, les bouches goulues de ses petits collées à ses lourdes mamelles pleines. L’un n’avait pas fini de téter que le second voulait téter à son tour ; et l’aîné seul ayant été sevré, elle continuait à gorger de son lait les deux autres, son corsage toujours ouvert, les pointes pâles de son sein allongées comme des trayons ; et elle était semblable à une