Page:Lemonnier - Ceux de la glèbe, 1889.djvu/251

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Devant eux, par delà les cannaies, dans la clarté très douce, le grand étang chantait la complainte des nuits nuptiales. Une musique lente, et qui parfois s’enflait, comme un désir ou une plainte, montait du ventre des grenouilles, mêlée à l’aigre et grinçant cailletis des fauvettes des roseaux. Et un petit vent, comme une chatouille, humidement leur passait sur la peau, sous l’ombre chevelue d’un saule au pied duquel ils s’étaient assis. Alors, dans cette joie grave du paysage et des nocturnes bestioles, elle sentit soudain son petit cœur de vierge lui monter aux lèvres :

— Ah ! mon cousin, si tu savais comme j’ai peur… Qu’est-ce qui va m’arriver ?… Si ce vieil homme allait m’embrasser !

Il eût voulu la consoler à son tour, mais un grand tremblement l’avait pris, et tout à coup, il la serra passionnément dans ses bras, repris à ses larmes et criant :

— Ah ! je suis bien plus malheureux que toi, va !

Un bruit de roues mordant les cailloux de