Page:Lemonnier - Ceux de la glèbe, 1889.djvu/53

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tremblement, avec une effrayante maigreur de grand vieillard debout. Comme il était très propre et touchait à la commune, une fois le mois, sur la caisse des pauvres, un denier de trois francs, ils l’avaient emménagé ainsi qu’un meuble vermoulu, guignant l’appoint de cette menue somme ; et il demeurait là près d’eux, dans la chaleur du poêle, immobile, sans rien dire, ses deux mains ravineuses à plat sur ses genoux, pensant aux forêts laissées en arrière. Tous les premiers du mois, il passait une blouse sur ses loques et s’en allait à la mairie percevoir ses trois pièces blanches, traînant ses pieds gourds, encore alourdis par d’énormes sabots rembourrés de paille, deux bâtons dans les mains ; et il butinait aussi en chemin quelques aumônes, deux sous chez le bourgmestre, un sou chez le Gosau, et des « cens » dans cinq autres maisons.

Dans l’après-midi il rentrait, s’étant fait raser par le barbier, un maçon qui régulièrement lui enlevait une lanière de cuir, avec une légère bruine de sang pâle au fil du ra-