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Page:Lemonnier - Ceux de la glèbe, 1889.djvu/66

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jusqu’au seuil, allongeant au soleil l’ombre d’un arbre mort sur la mort d’un cimetière.

La récolte fut misérable : sous l’orme et les poiriers, une moisissure était venue, comme une lèpre : ils manquaient de légumes, et leurs pommiers, par surcroît, ne rendirent pas un sac. C’était la famine pour l’hiver ; et en outre, ils ne pourraient solder l’annuité au propriétaire, ayant acheté le bien moyennant un premier versement, le reste payable d’année en année. Alors le Forgeu, qui n’était pas méchant, tourna à des humeurs sombres ; pour se soulager, sans motif il tapa sur la Lise, et elle accepta ses coups, passive comme une bête. Mais, éprouvant le besoin de se venger sur quelqu’un, elle enleva au vieux une pomme de terre des trois qu’il mangeait ; et jusqu’à la Toussaint il coucha, tremblant de froid, dans un grabat sans draps.

Puis la colère éparse de l’homme trouva un objet qui la concentra ; si la terre avait caponné, la faute en était aux voisins dont les arbres lui mesuraient la brise et le soleil ;