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Page:Lemonnier - Ceux de la glèbe, 1889.djvu/90

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Il y avait trois ans qu’ils s’étaient mariés, tous deux en belle force, lui plus âgé qu’elle de quelques ans, gagnant à son métier d’abatteur d’arbres de quoi les nourrir largement ; et ils avaient vécu à l’abri du besoin, braves époux, sans presque se quereller. Leur ménage lui suffisant, il n’allait au cabaret que le dimanche, après vêpres, jouant aux cartes pendant une heure ou deux, et elle ne trôlait pas au long des portes, dans des commérages entre voisines. Avec du temps et de l’épargne ils achèteraient la maison, amendant leur champ pour le temps où ils l’auraient en maîtres, toujours en train de remuer la terre avec la bêche ou la herse, pendant les soirs. Même au lit, entre deux fatigues d’amour, ils en parlaient, se voyant déjà à la tête d’un bien, très vieux l’un et l’autre, dans une quiétude de vie sans travail. Et en attendant, ils trimaient joyeusement, lui à la forêt, sur les routes, dans les vergers, elle par le logis qu’elle tenait en bel ordre, vaillante comme un cheval.