Page:Lemonnier - Ceux de la glèbe, 1889.djvu/94

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Plus rien ne surnageait en lui de la vie consciente ; des jours entiers il s’acagnardait dans un coin, débonnaire ; et un reste de pitié, l’amour parti, la rattachait à cette ruine humaine, comme à une bête malheureuse. Quelquefois pleine d’amertume, elle ne savait se retenir de le rudoyer ; alors il la suivait, pitoyable, ses larmiers dégouttants, avec la misère résignée des vieux chiens battus. Et cette persistance de la sensibilité, vivante dans la mort de tout, finissait par la radoucir, touchée du gémissement de son imbécillité. Déjà le sobriquet, comme un gui, avait mangé son nom véritable : on ne l’appelait plus Lossignol l’abatteur d’arbres, mais Martin l’Éfant, dérisoirement, sans rudesse pour sa sottise, inoffensive. Comme il était goinfre, criant famine toujours, mâchant jusqu’à du cuir et des racines par besoin d’une paisson, il gonfla, pris d’une adiposité malsaine, la face et le ventre turgides. Et une fois, Dor Grosse-Tiesse, maintenant assidu, presque de la maison, la railla, la bouche mauvaise, d’avoir pigeonné