Page:Lemonnier - Félicien Rops, l’homme et l’artiste.djvu/96

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culièrement était surveillée. Le soir, derrière les rideaux tirés, s’entendaient des voix comme des clameurs criminelles, Malassis lui-même, mince, fluet, rousset, sarcastique, la barbe pointue, offrait une surface équivoque. Par surcroît, de la petite maison partaient des épreuves, des envois d’exemplaires, une vaste correspondance, qui faisaient l’objet des commentaires du quartier, un quartier de religieuses et de petits rentiers. D’un zèle infatigable, l’éditeur relisait, corrigeait, âpre aux coquilles, toujours mécontent, par goût du beau travail. Ce fut une littérature spéciale, salace et vénéfique, germée aux confins du Code et qui trouva sans peine une clientèle affriolée des curiosités de l’amour. Rops fut requis pour étiqueter de ses vignettes les produits du laboratoire : il y déploya la plus fertile, la plus plaisante et la plus artiste invention libertine qu’il se peut imaginer. Certes, la licence y fut vive, mais relevée d’un art si aimable et si parfait qu’il en résulta plutôt un simple attentat aux bienséances.

La morne et vénale pornographie, industrie grossière d’infâmes camelots mal déguisés sous le nom d’artistes, n’approcha pas de ces dessins où la grâce, le rire et l’esprit se conjuguent pour empêcher que la volupté et le plaisir y soient, comme chez les goujats adonnés aux salauderies sans art, violés. Toute licence, sauf contre l’art et l’amour ; et le crime justement com-