Page:Lemonnier - Gros, Laurens.djvu/26

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grave, de l’esprit archéologique. À Gênes même, en même temps que les œuvres d’un art italien décadent, mais très vibrant, il avait rencontré des Rubens et reçu une impression artistique, qui ne s’effaça jamais : le « sublissime » Rubens, écrivait-il à un ami. Son admiration était assez connue pour que David à ce moment même s’en préoccupât et lui fit écrire d’ « oublier un peu Rubens et de regarder Raphaël ». D’autre part, il avait assisté aux splendeurs, aux misères, aux réalités de la guerre, et vu Bonaparte dans la jeunesse éclatante de sa gloire. Or, il avait plus que personne le tempérament sensitif, aussi bien que l’âme sensible : autant les idées et les abstractions laissaient froid et stérile son esprit, autant il était apte à dégager des choses concrètes ce qu’elles offrent à l’imagination et ce qu’elles contiennent de passion.

Les temps étaient plus favorables que jamais à l’éclosion et au développement d’un art réaliste inspiré des faits contemporains. Sans parler du rayonnement de la gloire nationale, de la grandeur des événements, de leur retentissement, du choc qu’ils produisaient dans les âmes en les élevant au-dessus des vulgarités de la vie, il y avait, même pour la partie technique de la peinture, des éléments précieux dans les choses du moment. Les hommes, exercés depuis des années au métier des armes, étaient robustes ; leur corps prenait instinctivement et facilement de belles attitudes, à la fois nobles et naturelles. Quels modèles pour un artiste qu’un Murat, un Las-