Page:Lemonnier - Gros, Laurens.djvu/37

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aujourd’hui, qui essayèrent de se faire les historiographes des campagnes de Napoléon. Mais à cela s’ajoute dans ce Combat de Nazareth[1], où les libertés concédées à l’esquisse permirent à Gros de s’abandonner à lui-même, la force et la fougue du dessin, la puissance de la couleur, la grandeur épique, la poésie dans la vérité. Les masses de cavalerie et d’infanterie se meuvent tactiquement, bien que tout se subordonne aux lois de la composition artistique et aux harmonies nécessaires de la couleur. Le mérite admirable consiste à avoir su saisir dans le réel de la bataille le « moment esthétique ». Nous reviendrons sur ce point.

Son projet fut choisi à l’unanimité, le 8 décembre 1801, celui d’Hennequin seul fut mis un moment en balance, et il avait commencé la toile définitive, lorsqu’un avis reçu de Denon interrompit son travail. On a dit que Bonaparte, après réflexion, n’avait pas été très satisfait de voir glorifier avec cet éclat un exploit qui n’était point le sien. Toujours est-il qu’il commanda presque immédiatement le tableau qui devait être si célèbre, sous le nom de Pestiférés de Jaffa. On connaît l’épisode : dans l’expédition de Syrie, en 1799, la peste se déclare à Jaffa, où se trouve l’armée ; pour réconforter le moral des soldats, épouvantés par le caractère épidémique du mal, Bonaparte va visiter l’hôpital et touche de sa main la plaie d’un pestiféré. Gros fit sur ce sujet deux esquisses successives,

  1. Musée de Nantes (Voir plus loin, p. 117).