Page:Lemonnier - Gros, Laurens.djvu/99

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

génie, et quand il fit de grandes choses, elles furent supérieures à la portée de son esprit.

Son intelligence en effet était ordinaire et médiocrement cultivée. On ne voit pas qu’en dehors de la peinture ou de la musique il se soit intéressé aux idées de son temps. Capable de se passionner pour Rubens, en fait d’esthétique, il s’était tout juste assimilé les doctrines de David, sans en bien comprendre la véritable signification. Ainsi s’explique ce mélange déconcertant d’œuvres qui touchent au sublime et de tableaux qui confinent au ridicule. Nous n’étudierons que l’auteur des premières, l’autre n’est pas même discutable.

Les qualités techniques incontestables de Gros sont d’un ordre particulier. Il dessine en peintre, c’est-à-dire que le dessin n’est presque jamais pour lui que l’esquisse d’un tableau futur, une façon d’en fixer la pensée, la composition, de se donner à lui-même la vision qu’il a de son idée première. Et il tient peu à la correction, à l’élégance, au rendu. De tous les dessins que nous avons de lui (un très grand nombre est perdu ou égaré), à peine quelques-uns sont achevés. Rien qui ressemble à un Boucher, à un Fragonard, à un Ingres, qui mettent dans un crayon ou une sanguine quelque chose de définitif. Rien non plus qui séduise ou qui charme.

En revanche, de la puissance ; les formes incorrectes, mais les mouvements d’une vérité saisissante, les attitudes justes, indiquées d’un trait brutal, mais toujours significatif, la composition marquée du premier coup avec