Page:Lemonnier - Happe-chair, 1908.djvu/104

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Roulée dans son giron, elle le cajola de l’idée d’une affaire à risquer avec un petit enjeu, et dont le bénéfice leur permettrait plus tard d’élever proprement leur petit. D’ailleurs, elle en avait assez de ses longs jours à rien faire, dans cette maison où ils mangeaient leur blé en herbe ; pendant qu’il se cassait les reins à puddler, elle voulait, elle aussi, se donner du mal, afin de ne pas lui laisser tout entier le fardeau du ménage. Plus tard, si le café s’achalandait, il lâcherait son chien de métier qui tue un homme à cinquante ans, et ils vieilliraient ensemble dans une graisse de bons bourgeois.

Huriaux trouva la proposition drôle, sans dire ni oui ni non, frappé cependant par les avantages qui pouvaient résulter d’une telle entreprise pour leur enfant. C’était une tête que la réflexion travaillait lentement ; elle le laissa tout à l’aise couver cet embryon déposé en lui, avec sa lenteur placide de ruminant.



XI



La dernière crise avait laissé un peu de calme dans le ménage. Domptée par le coup d’autorité de Huriaux. Clarinette sentait encore à sa gorge le collier de cette main rude. Elle cessa d’ouvrir sa maison aux flâneries de femmes qui lui avaient valu sa tripotée. Au fond, elle les détestait presque toutes également, n’ayant d’attirance réelle que pour les hommes.

La gestation s’avançait d’ailleurs ; on était en février ; selon toute probabilité, l’événement serait pour avril ; et Clarinette, jusqu’alors indifférente, commença à penser a la layette, sérieusement. Justement, la Philomène devait se rendre à la ville. Il fut décidé qu’elles iraient ensemble y faire leurs emplettes : on avait là, dans les grands magasins, des choix plus complets et moins coûteux. Un jeudi donc, vers midi, elles prirent le train. Philomène habillée des mises bas de ses riches cousines, une palatine de petit gris râpé sur les épaules, avec des marabouts au chapeau et un cul de Paris qui