que vif, la honte en croupe. Quand Malchair l’avait interpellé du
pas de sa porte, il revenait du plateau avec une charge de meubles
qu’en bon bouleux qu’il était, il avait charroyés par monts et par
vaux, tirant dans les brancards comme un ronsin. Il y avait six
jours qu’à la vesprée ou dès patron-minet, il déménageait, vidant
un peu plus à chaque voiturée sa maison, les reins cassés par le
poids du charretin qu’il fallait retenir sur les descentes. Et comme
il convoyait ses dernières frusques, voila le malheur qui lui tombait sur le dos ! Il donna un coup de collier, arrêta sa charge
devant sa porte et tout à coup aperçut Clarinette allaitant son
enfant dans un coin de la chambre.
Alors sa colère le reprit ; il la mit au courant d’un mot :
— Malchair m’a bouté son compte : j’ sais tout, carogne.
Peut-être, si elle n’avait eu la petite à la mamelle, il eût cogné. Il alluma la chandelle, déploya le mémoire, eut la preuve des folies de cette femme qu’il avait faite sienne, lui, le fils d’une mère sage. À chaque page, des indices de mangeailles, mêlées à des prodigalités de toute sorte. Elle lui avait menti pour le prix du lit, menti pour le prix du comptoir, menti pour tout ce luxe qu’elle avait introduit dans leur maison. C’était le compte de ses mensonges qu’il avait sous les yeux, non moins que le compte de ses dépenses ; et il reconstituait cette vie de ruses et de fraudes qu’elle avait menée là-bas tout un an, presque depuis le premier jour de leur mariage, pendant qu’il soufflait et peinait, lui, à son four.
Des râles lui montaient à la gorge ; il avait la sensation d’un écroulement au dedans et autour de lui : il aurait voulu crier, la prendre aux cheveux, la traîner sur le carreau ; mais cette petite chair rose qu’elle berçait dans son giron et dont elle se faisait un rempart, le retenait toujours.
L’explication éclata à une heure de là, terrible ; elle mit ses dépenses sur le compte de Malchair qui la poussait toujours à de nouveaux achats, l’appela canaille et voleur, menaça d’aller saccager sa boutique. Mais comme Huriaux continuait à l’accabler, donnant raison au juif de La Confiance contre elle, puisque son métier, à cet homme, consistait à tondre les brebis assez sottes