Page:Lemonnier - Happe-chair, 1908.djvu/291

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l’estime de la gérance, il se décida un jour à lui faire entendre raison. Elle s’était à demi brouillée avec la femme de Piéfert, ne voyait plus du tout la grande Philomène. D’ailleurs le malheur arrivé à Simonard avait relâché les anciens liens, même entre les hommes. Le vieux chauffeur, les reins cassés, avait tout juste à présent la force de se traîner de sa chaise au seuil de la maison. Quant à Piéfert, sa nature tranquille eût suffi à l’écarter d’un ménage toujours en train de se harpailler. Quelquefois, mais le dimanche seulement, pour ne point rompre tout à fait avec Huriaux, il entrait vider un pinte, on battait une demi-heure les cartes, puis, la porte fermée sur ses talons, le café retombait au vide et au silence. Au fond, Piéfert et les autres jalousaient ce poste qui le grandissait au-dessus d’eux ; les femmes surtout montaient leurs maris contre ce Huriaux, leur égal d’autrefois, et qui maintenant, par un tour de faveur, marchait de pair avec les chefs. Jacques, lui, eût voulu que Clarinette se rabibochât avec Zoé-Évangéline et la Philomène. À la bonne heure des relations comme celles-là ; c’étaient de bonnes ménagères, bien vues du Culot. Et il la poussait aussi à se lier avec des femmes de contremaîtres et de surveillants, un petit monde qui tenait le haut du pavé et avec lequel il était de leur commun intérêt de demeurer en bon accord.

Mais la Rinette le rembarra crûment, raillant cette fierté qui le prenait tout à coup. Rien ne l’empêcherait d’en agir à sa tête : ce n’était pas lui qui la ferait changer. Il l’avait prise, cette fois, par la douceur, avait cherché à la ramener à la raison, se violentant pour lui parler en ami ; et de nouveau il échouait contre sa revêche opiniâtreté.