Page:Lemonnier - Happe-chair, 1908.djvu/75

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quand à longues enjambées il coupait le plateau pour rentrer chez lui. Malheureusement, malgré l’eau et la graine qu’il avait toujours la précaution de leur donner en abondance avant son départ pour l’usine, les oisillons n’étaient pas soignés comme chez d’autres amateurs, ses amis, qui, pendant leur absence, les confiaient à la garde de leurs femmes. Même il en avait perdu, qui, malades, étaient morts faute d’une médication régulière ; puis les chats lui en avaient aussi croqué. Et parmi toutes les autres sécurités qu’amènerait pour lui le mariage, il pensait à ses couvées désormais garanties, associant ses pinsons à l’idée de son propre bonheur.

Ils se revirent comme par le passé : ni l’un ni l’autre ne parlaient plus d’arranger l’affaire ; et il sembla pendant quelque temps que rien ne fût changé. Mais au bout d’une couple de semaines, Clarinette à la fin s’impatienta. La rondeur de son ventre commençait à lever ses jupes : il arriverait un moment où elle ne pourrait plus cacher sa grossesse. Un soir elle lâcha la bonde à ses acrimonies, lui demanda nettement pour quand c’était, ajoutant qu’elle en avait assez de cette vie avec les Lerminia qui lui mangeaient tout son salaire et lui auraient mangé la peau par-dessus le marché. Entre deux bouffées de pipe, il répéta son mot habituel à savoir que, en effet, il faudrait aviser à arranger l’affaire. Mais, cette fois, elle s’emporta : il ne l’aimait donc pas qu’il la faisait traîner ainsi ?