Page:Lemonnier - L'Hallali, sd.pdf/108

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Tout à coup, le paysan, avuant si personne n’arrivait, aperçut Jaja en sabots, une capeline sur la tête, les mains sous ses aisselles, et qui, blottie dans un hangar, regardait.

— Quoé tu fais là ? D’où c’est que tu viens ? gronda-t-il, en repensant à la cachette où il mussait un pot d’argent, non loin.

— J’sais point, j’étais là, v’ià tout.

Alors, il la menaça du poing.

— Va-t’en.

Et elle se sauvait en pleurnichant.

D’ailleurs, il la détestait, cette bonne à rien qui ne savait qu’écosser les pois, ramasser les châtaignes, bûcheter dans le taillis ou mener la vache de la Guilleminette pâturer le long des fossés quand celle-ci arrivait buander, gerber, écurer ou coudre, petite fourmi brûlée et alerte qui avait toujours l’air de courir après son ombre. Cependant Jaja n’était point tout à fait sotte, comme disaient d’elle les gens de Pont-à-Leu. C’était une petite âme de pastoure, retournée à la nature et doucement animale. Elle aimait la terre, les arbres, les bêtes du bois et des champs ; le vent lui chantait aux oreilles des chansons qu’elle seule entendait.

On fit marché pour les dix porcs. Le marchand d’abord proposa un prix assez bas, montant à mesure de quelques écus et déclarant toujours