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l’hallali

jeune temps de ces êtres fabuleux, mi-hommes, mi-chevaux, qu’on appelait les Centaures. Même il émettait l’avis que le premier homme de notre race avait dû, à leur exemple, se bifurquer devant et derrière en quadrupède. Si ce ne fut le premier, ce fut au moins celui qui, ce jour-là, se dédoubla en toi et que si valeureusement tu menas par le val et le mont. Et cet autre exploit où tu t’attestas la bête intrépide et soumise qui justifiait pour tous deux le renom de casse-cou dont on me gratifiait et qui jamais n’eut besoin de l’éperon pour affronter cent fois joyeusement la mort, t’en souviens-tu aussi ? J’avais parié de te mener de la tourelle d’est à la tourelle d’ouest par les chênaux du toit et non point au pas, mais au trot, aussi sûrement que s’il se fût agi de t’allonger par le ruban de la grand’route. L’enjeu de ce pari qui, aujourd’hui encore, me fait tressaillir d’orgueil, tu me le gagnas par la plus folle et la plus triomphale vaillance. La bride aux poings, je t’enlevai par les degrés aujourd’hui vermoulus et branlants de l’escalier des ancêtres, et d’un trait, au martellement de tes sabots sonores, je te fis monter jusqu’aux combles. Une brèche fut percée dans le toit laquelle te livra passage ; et ton poitrail d’argent tout ruisselant de lumière sous les feux crépitants du midi soudain là-haut,