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l’hallali

traîné sa blessure sans s’ouvrir à personne ; jamais sa mère n’avait rien su. Sa fierté longtemps souffrit le double tourment de n’aimer plus et de ne pouvoir maîtriser sa souffrance.

Le temps et la volonté, à la longue, eurent raison de ces mouvements de sa vie. Elle sortit de l’épreuve, toute sa jeunesse brisée, mais armée contre elle-même. Elle put se croire la plus forte après ce combat où d’abord sa faiblesse avait été vaincue et où, finalement, son orgueil avait triomphé. À peine sortie de pension, on la vit ainsi devenir femme ; elle eut un accent de beauté en avance sur son âge, mais qui, à la chaleur sèche de sa vie, se brûla et passa tôt. Elle fut ardente, froide, hautaine avec des violences sourdes en elle qui s’étendaient jusqu’à sa religion, une religion solitaire où elle s’accablait, où elle en voulait à Dieu de les abandonner dans leur détresse.

Quand elle consentit à écouter sa mère, qui la suppliait de se remontrer avec elle dans la famille, trois ans après le départ de Léonce, le mépris était venu, mais sans tuer son cœur. Elle s’en aperçut bien en le revoyant avec celle qu’il était allé chercher là-bas. Elle ne put se défendre de le trouver plus beau que par le passé, d’une beauté d’homme heureux. Elle détesta sa tante, elle détesta Léonce, elle détesta l’Égyp-