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LVIII’HALLALI

Elle tordit ses poignets, elle aurait voulu crier, pleurer à sanglots, et elle était sans force. Elle ne le délestait plus ; s’il était venu tout à coup, elle l’eût pris contre elle, dans ses bras, comme elle faisait avec Michel.

— Pierre, fit-elle tout bas, la bouche dans l’herbe.

Cela lui semblait bon comme un fruit. Elle arracha une touffe de menthe poivrée et elle la mâchait à petites fois. La chaleur de l’après-midi faisait battre son flanc. Quelquefois une judelle gloussait dans le marais. Au bois un geai criait et puis le grand silence de la lande recommençait. Elle aurait voulu s’endormir là et ne plus jamais s’éveiller. Presque au même moment elle ferma les yeux et s’endormit.

Des voix la réveillèrent. Il y en avait une, haute et bourrue, qu’elle aurait reconnue entre toutes. C’était celle du grand-père. Elle leva la tête de dessus l’herbe et le vit venir avec ce Firmin Lechat qui, chaque fois qu’elle le rencontrait, lui donnait une poignée de sous, ils avaient pris à travers la bruyère et suivaient une sente à une petite distance. Aussitôt elle se mit à ramper sur le ventre jusqu’aux roseaux, où elle ne serait point aperçue. De là elle les vit passer, le Vieux, maigre et long, son fusil à l’épaule, faisant ses grandes enjambées auxquelles l’autre, tout