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l’hallali

meurer dans l’ouvroir, tirant ses aiguillées tout à la fois et regardant par les vitres si elle ne l’apercevait pas. Le cœur gros, elle pleurnichait, reniflait, secouée de petits spasmes, toute veule, mais rusée tout de même et guettant le moment où Sybille avait le dos tourné pour se lancer, cottes courtes et jambes nues, à travers l’autan et la pluie. Au retour, sa sœur la talochait et la privait de nourriture, mais ça lui était bien égal quand elle revenait avec des lèvres grosses comme des sangsues pour avoir été trop chaudement mordues.

Au village, tout le monde connaissait leur histoire. Les gars des grosses fermes auraient bien voulu tâter de cette chair de petite noble où coulait le sang des anciens seigneurs. Qu’il lui vint un poupon et ça pouvait être une affaire profitable ! Les bâtards seuls, qui tenaient à la considération de la famille, ne plaisantaient pas : ils entendaient, ceux-là, jouir des privilèges de leur bâtardise et n’admettaient pas qu’en dehors d’eux il se greffât des rejetons sur les basses branches de la lignée. Biatour, le marchand de bois, lui, feignait ne se douter de rien, un œil fermé, un autre ouvert, riant de sa large bouche de brochet quand on l’interrogeait.

— Paraît que la demoiselle aux Quevauquant en tient pour ton fieu ? lui disait-on.