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Page:Lemonnier - Les Charniers, 1881.djvu/128

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du maréchal, une enfant de vingt ans, qui l’avait tiré. Vingt ans ! l’âge où l’on aime ! où les bois sont en fleurs ! où l’on effeuille les marguerites ! Celle-là donna sa vie. À présent elle gisait, sacrée par la mort, sous la maison de son père. L’obscure héroïne de Bazeilles fut enfermée dans la cave et brûlée.

Il y avait à deux pas de là un lazaret : nous y entrâmes. Un zouave était accroupi à la porte, la tête dans les mains, dans une posture farouche, et debout, à côté du zouave, un turco, le mantelet à l’épaule, regardait de son œil fixe la pluie qui tombait sur le village. Je n’ai point vu de cariatide plus sculpturale et plus émouvante : au seuil de cet hôpital des douleurs, on eût dit la guerre éternelle méditant de faire des vaincus les vainqueurs.

Tous les blessés du lazaret étaient des soldats français. Ils acceptaient avec joie les cigares et le tabac que nous leur donnions.

Quand nous leur parlâmes de leurs souffrances :

— Nous, ce n’est rien, disaient-ils. Mais la France ! Mais l’armée !

Et nous disions en leur serrant les mains :