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Page:Lemonnier - Les Charniers, 1881.djvu/139

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les carrés de murs encore debout. On voyait alors des hommes et des femmes qui tendaient les mains pour se chauffer, et les uns étaient blottis sur leur séant, tandis que les autres, droit devant le feu, le tisonnaient avec le pied.

Nous enfilâmes la route qui va vers Sedan.

Dans l’ombre, des maisons, des fermes, des granges, de grands bâtiments ressemblaient à des entrepôts ou des fabriques. Aux trous noirs qui plaquaient ces façades, on comprenait que le pillage, la mitraille et l’incendie avaient passé par là, enlevé les portes, emporté les fenêtres, et de grandes brèches béantes s’étendaient des toits aux rez-de-chaussée. Des masses de camions, de haquets, de tombereaux, de voitures brisées, couvraient la chaussée, ou, roulés sur le bord des talus qui la bordent, penchaient leurs avant-trains dans les champs en contre-bas. L’outillage des moulins, des forges, des tisseranderies, des filatures pendait en pièces dans les hangars, traînait sur la route, mutilé. Dans les bouts de clarté, quand la lune trouait les nuées, on distinguait tout une confusion géante de bras de machine, de leviers, de cylindres qui poin-