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Page:Lemonnier - Les Charniers, 1881.djvu/145

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heure sur les routes : nous étions seuls à courir cette aventure.

Nous approchions de Sedan : l’énorme rocher de la citadelle, éclairé à la base par les réverbères de la poterne, se détachait lourdement sur l’obscurité du ciel. L’heure sonnait à une horloge, et sur la ville flottait, dans une atmosphère de pluie, comme une buée rouge, la réverbération des becs de gaz. Déjà nous distinguions, derrière les grilles d’entrée, le va-et-vient d’un soldat, l’arme au bras, et deux autres soldats, assis sur le banc du corps-de-garde, le nez dans la capote, attisaient une paillette de feu qui était le bout d’un cigare.

En ce moment les chariots, cessant tout à coup de marcher vers Sedan, conversèrent brusquement à gauche, et après avoir décrit un circuit autour d’un campement, s’arrêtèrent dans un endroit où l’on avait remisé des fourgons.

Les cavaliers descendirent de selle, dételèrent les chevaux et nous plantèrent là.

Nous nous démenions depuis quelques minutes dans nos sacs et nos fusils, demi-furieux demi-riant, quand nous avisâmes deux hommes