Aller au contenu

Page:Lemonnier - Les Charniers, 1881.djvu/168

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jambes, comme s’il eût voulu, suprême coquetterie de militaire, se couvrir de ses armes en mourant.

Le troisième, vague débris informe haché par les balles, s’était quasiment replié en deux dans les contorsions de l’agonie, et sa tête, renversée en arrière, touchait presque à ses talons.

Devant lui la cartouchière était vide.

Le vieux à moustaches avait gardé six cartouches, le jeune homme n’en avait gardé que deux, le mitraillé n’avait rien gardé du tout. Tombé le dernier sans doute, il avait voulu tirer jusqu’au bout et il ne s’était couché qu’après avoir épuisé ses munitions.

Ces trois lions dormaient là, rigidement, dans leur gloire obscure. Aucun sarcophage ne vaudra jamais cette motte de terre avec ses trois hautaines figures.

Nous étions six : tous les six en même temps, nous nous découvrîmes, et tête nue, comme on enterre des héros, nous inhumâmes ces braves au lieu où ils étaient tombés, dans la fournaise, à présent refroidie, qui les avait entendus rugir en mourant. Nous réunîmes ensuite