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Page:Lemonnier - Les Charniers, 1881.djvu/199

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C’était un boulet ; et ils se suivaient à la file, comme des vols de grues, à l’automne.

Des gens qui traversaient d’un trottoir à l’autre tombaient foudroyés par les éclats d’obus.

On me montra une petite rue, non loin de la place Turenne, où une jeune fille, sortant de chez elle pour aller à l’épicier qui est vis-à-vis, eut les deux jambes coupées par le passage d’un projectile.

Quelques maisons souffrirent énormément. Un café qu’on appelle, je crois, le Café des Glaces, fut littéralement défoncé par la mitraille. Et des pans de murs s’émiettaient, mêlant à l’incessant tonnerre le bruit de leur écroulement.

La débâcle était tumultueuse.

Il arrivait à tout bout de champ des bandes de soldats sans sacs et sans fusils ; on les voyait accourir à toutes jambes, comme des gens poursuivis. Des compagnies entières rentraient avec leurs officiers et se bousculaient pour rentrer plus vite. Aux portes de la ville on s’écrasait : beaucoup de monde fut foulé aux pieds. Les plus pressés sautaient sur les épaules