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Page:Lemonnier - Les Charniers, 1881.djvu/230

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Dans les lignes de leurs pantalons vert sombre se mouvait la tache plus claire des pantalons garance, et le créneau des casques en cuir verni permettait d’apercevoir des képis se suivant à la file. De droite et de gauche caracolaient des cuirassiers, étincelants de cuivre et d’acier, le sabre dans la main qui tenait les brides et dans l’autre main le pistolet d’arçon prêt à faire feu.

Bientôt le détachement fut près de nous : les rangs se serrèrent pour passer, et, comme le pavé se rétrécissait, une multitude de soldats français en guenilles et sans armes nous apparut, étranglée entre les ventres des chevaux.

Ce convoi de soldats menés comme un troupeau était lamentable. C’étaient 3.000 prisonniers des dernières batailles qu’on dirigeait sur Remilly et de là par chemin de fer sur l’Allemagne. Ces 3.000 hommes, harassés, pantelants, écharpés, se pressaient pêle-mêle en masses confuses et clopinaient cahin-caha, sales, déchirés, la barbe longue, criblés d’éraflures de balles, couturés de balafres de sabres, sans habits et sans souliers, la plupart ayant des lambeaux de sac au dos.

Les uns se traînaient sur des bâtons, les autres