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Page:Lemonnier - Les Charniers, 1881.djvu/246

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tailladait le bas de sa mince et jaune figure où les yeux roulaient, clairs et gris, et ses épaules, déclives et de guingois, semblaient avoir été taillées d’un coup de hache dans un bloc trop petit. Mais une force chantait en ce gringalet, la gaîté : et je comparais à sa maigre carrure frétillante l’énorme viande morne des vainqueurs.

On parla de la guerre. Il eut une moue pleine de philosophie :

— Heu ! Heu ! La guerre ! Quoi, la guerre ? Eh bien ! vlà ! Ça y est. Les uns crèvent, les autres vivent. On vous prend votre argent, votre repos, vos grains, vos bêtes, et puis tout est à recommencer. C’est dur ! Enfin, faut s’y faire !

Nous en trouvâmes souvent, de ces fortes natures d’acier qui se redressaient d’elles-mêmes, et nous nous disions chaque fois :

— Voilà un homme.

De l’autre côté de la rue, un détachement de hussards s’était mis en ligne. Raides, immobiles, la tête droite, le sabre à l’épaule, un officier les passait en revue. Le détachement se débloqua d’une pièce, fit conversion à gauche et se mit en marche deux par deux.