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Page:Lemonnier - Les Charniers, 1881.djvu/273

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petits murs noirs défoncés par les obus. Un grand trou, profond et rond, avec de la terre jetée en mottes à l’entour, excavait le bas du talus, et un superbe bouleau, cassé en deux, gisait en travers de la route. Un homme grattait avec la main le sable éparpillé par l’espèce de travail de taupe que l’obus avait fait dans la terre. Il nous montra des éclats de fer de la grandeur de la main auxquels s’ancraient des crocs terriblement aiguisés, et il avait aussi trouvé six pointes affinées dont le gros bout avait l’épaisseur du petit doigt.

L’obus avait d’abord rencontré le bouleau qu’il avait déchiré de haut en bas et dont le bois rosé hérissait à la partie coupée des dentelures inégales, puis le talus où il s’était enterré en labourant à droite et à gauche le sol.

Des villageois erraient comme des âmes en peine, scrutant la route de leurs prunelles éteintes où un reste d’affolement se mêlait à de la couardise. Ils nous abordaient quelquefois, nous demandaient des nouvelles.

— La France se relève, disions-nous alors. La voilà déjà debout. La République aura bientôt balayé le sol de la patrie. Alors vous