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Page:Lemonnier - Les Charniers, 1881.djvu/61

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un grand poteau peint en blanc, avec deux bras, dont l’un porte cette inscription : France, et l’autre, Belgique.

Il y avait devant la ferme dont je parle un encombrement de carrioles et de charrettes ; des chevaux, mal abrités par des hangars improvisés, recevaient à cru sur leur croupe la pluie qui ne cessait de tomber. Et des flaques d’urine s’étendaient, rouilleuses, découlant partout.

Nous pénétrâmes dans la petite chambre noire où l’on a coutume de s’asseoir pour vider son broc. Un grand feu de bois rougissait les vitres.

La chambrée était compacte et sérieuse. Je vis, collées au feu, quelques silhouettes de vieilles gens qu’une inexprimable angoisse semblait avoir rendues idiotes. Elles se tenaient immobiles, les mains sur les genoux, ayant on ne sait quelle épouvante dans les yeux.

Chaque fois que la porte s’ouvrait, ces douloureuses figures dressaient la tête du fond de l’ombre et regardaient ceux qui entraient, inquiètes, redoutant de nouveaux malheurs.