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Page:Lemonnier - Les Charniers, 1881.djvu/71

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Les carrés de légumes, bouleversés par le sabot des chevaux et le soulier des fantassins, s’amalgamaient dans une glaise lie-de-vin, avec un hachis de verdures et de racines confuses ; et le piétinement s’étendant de proche en proche, finissait par se noyer dans l’uniformité morne de la plaine.

Tout au bout, les grandes buttes apparaissaient, plaquées de tons jaunes, semblables à ceux des défrichements de bois vus à distance, avec la tache claire des racines tranchées et le bossèlement pelé du sol. Au bas des buttes, des tas noirs se massaient, que le brouillard empêchait de distinguer nettement.

Nous avancions dans la terre retournée comme par un labour, péniblement, et tout à coup, vers la gauche, elle prit la viscosité molle d’un mortier largement mouillé ; aux sillons des roues nous reconnûmes qu’un parc d’artillerie avait campé ou manœuvré dans cet endroit.

Par surcroît, un petit bois qui avance en pointe de ces côtés était jonché de branchages et d’écorces d’arbres.

Il y avait eu là une action.